Joseph GARIBALDI

(1807-1882)

Joseph Garibaldi 

Il est né le 4 juillet 1807 à Nice. 
Joseph et non Giuseppe, 
car Garibaldi est né français. 

À cette époque, Nice était annexée à l’Empire français, avant de redevenir savoyarde en 1814 avec la chute de « l’Aigle ». Mais quand il revient à Nice en 1847-1848, après une parenthèse révolutionnaire sud-américaine, à ceux qui lui demandent : « tu es républicain », il répond « je suis italien ».

Joseph reçoit une éducation religieuse, car sa mère le destinait au sacerdoce. Ami de Victor Hugo, ce dernier disait de lui : toi qui as su vaincre et qu’on n’a pu ployer. Tous les deux rêvaient de la république universelle et de l’édification de l’Europe.

Il a fallu trois guerres dont deux mondiales et l’émergence de l’abominable notion du crime contre l’humanité pour que les peuples survivants se souviennent que, en effet, la première et essentielle vertu de la construction européenne, c’était la paix…

L’éclatement de l’empire napoléonien dont l’Italie faisait partie permit à l’Autriche de mettre sous son emprise l’Italie, et Rome en particulier. En effet, après le calamiteux retour de « l’Aigle », l’Autriche se rallia à la coalition de la Prusse, de la Russie et du Royaume-Uni en août 1813. L’occupation de l’Italie fut effective et complète dès 1815. 

Ces expériences et ces ressentis font cheminer l’idée de liberté dans le cœur de Joseph. La rencontre avec des saint-simoniens favorisa également sa réflexion.

Saint-Simon [1] voulait tout d’abord créer « l’association des hommes » dans une parfaite égalité afin de mettre fin à « l’exploitation de l’homme par l’homme » – une expression qu’on attribue aujourd’hui de préférence à Marx. Il proposait de bâtir une nouvelle société sur les trois piliers « institutionnels » de l’industrie, des sciences et des beaux-arts. Ensemble, ils étaient censés former le « corps organisé » d’une société assurant une coopération économique et sociopolitique entre des hommes poursuivant un but commun : l’amélioration des conditions de vie de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Cela était révolutionnaire pour l’époque, surtout quant à la dimension d’individualisation de l’être humain et de sa liberté de conscience personnelle. Cette doctrine nourrira l’idéal de Garibaldi sur la république universelle, l’union des nations et la liberté des hommes. Garibaldi, défenseur de la liberté, combattra pour elle les armes à la main pendant des décennies.

 

Garibaldi, son aventure

L’aventure commença avec l’appel d’un dénommé Mazzini, militant du groupe « la Jeune Italie », mouvement cherchant à libérer la péninsule de l’oppression autrichienne. Alors qu’il était déjà capitaine de navire, Garibaldi répondit à l’appel et prit contact avec les conspirateurs à Marseille, mais également avec les Carbonari et les Francs-maçons. Mazzini tenta un soulèvement du Piémont et une mutinerie à Gênes, mais la police découvrit les conspirateurs. Garibaldi dut alors fuir vers Nice puis Marseille. Il sera condamné à mort à Gênes par contumace le 1er juin 1834.

 

Sa légende militaire naquit cependant en Amérique du Sud, au Brésil et en Uruguay en particulier. Il traversa l’océan pour le Brésil en révolution. Pendant la guerre civile uruguayenne, le 8 février 1846, près de la ville de Salto à San Antonio, deux cents légionnaires écrasèrent deux mille hommes. Ce succès héroïque accentua la notoriété de Garibaldi en Amérique du Sud. Par le jeu des alliances militaires et politiques, la France et l’Angleterre soutinrent le peuple de San Antonio. Il fut proclamé officiellement héros à la chambre des Communes anglaise. Il quittera l’Uruguay au moment où un mouvement commença à agiter l’Italie, toujours sous occupation autrichienne.

 

En réalité, la légion garibaldienne combattit partout où les peuples se révoltaient et se battaient pour leur liberté.

 

Le 10 février 1848, le roi de Sicile accorde une constitution à la Sicile et à Naples en révolte. Venise se souleva, puis Milan. Garibaldi reprit la mer avec sa légion pour débarquer à Nice. Il est intéressant de noter que le 13 août 1848, à l’occasion d’un discours dans lequel il proclame sa fidélité à la confiance du peuple, il se référa expressément à « l’être suprême ». Pendant la révolution française, c’est ce même être suprême qui avait remplacé Dieu.

 

Garibaldi proclama la république italienne en février 1849. Cette même année, Garibaldi combattit à Rome avec un héroïsme désespéré pour défendre la constitution de la République romaine avec Mazzini, contre l'armée française alliée au Pape. C’est l’échec. Traqué, Garibaldi finira par fuir en Sardaigne puis aux États-Unis, à Londres, et même en Chine. 

 

Rentré en Italie en 1854, il fut nommé adjoint au commandant des troupes italiennes. En mai 1860, il organisa l’expédition des Milles (ou des « Chemises Rouges ») et s’empara de la Sicile et de Naples. Il accompagna le Roi Victor-Emmanuel II, qui l’avait pourtant désavoué un temps, et prêcha l’unité italienne avec Rome pour capitale.

 

En 1862, le président Lincoln offrit à Garibaldi le commandement de l’armée fédérale dans la guerre de Sécession. Il refusa pour continuer la lutte en Italie, où il sera blessé et fait prisonnier. La levée de boucliers mondiale fut tellement phénoménale qu’il fut finalement libéré.

 

Pendant toute cette période Garibaldi a toujours des armes à la main. Dès qu’une ville se soulevait, les « Chemises rouges » arrivaient en soutien. Il deviendra d’ailleurs généralissime de la Commune de Paris. Le mouvement du Resorgimento (résurrection) italien, le combat pour l’unité, aboutit à la formation de deux groupes secrets et parallèles, les Carbonari et les Francs-maçons. Ces groupes amèneront en 1862 à la création du Grand Orient d’Italie.

 

La société secrète révolutionnaire et patriotique italienne des Carbonari est née à l’époque du royaume de Naples. Elle fut une force d'opposition à la politique pro-napoléonienne. Elle connut plus tard des disciples en France et Espagne, en mettant l'accent sur les libertés politiques. Le nom de « Carbonari » vient du fait que l'organisation avait pris le symbolisme et les rituels de l'artisanat charbonniers, ceux qui préparaient le charbon. Les Carbonari s’étaient développés dans toute l’Italie méridionale et en France.

 

Pour le Carbonaro, parmi un ensemble de symboles rituelliques, la Terre était un symbole fort. Comme la terre recouvre les cadavres, les secrets des Carbonari sont enfouis dans leur cœur, si profondément qu’ils peuvent se protéger contre leurs ennemis et les campagnes de persécution. Combattant de la liberté et lié de fait aux Carbonari dès ses premiers combats, Garibaldi se lia également à la Franc-maçonnerie.

 

Garibaldi et la Franc-maçonnerie

Joseph Garibaldi fut le premier Grand hiérophante des deux rites réunis, Memphis et Misraïm. Les deux rites ont commencé à se déployer en France approximativement à la même époque, à savoir à la fin de l’empire napoléonien (vers 1814-1815).

 

Le rite de Misraïm eut un fort succès en attirant de hautes personnalités du monde politique et militaire, des bonapartistes, des républicains parfois Carbonari. Le rite de Misraïm fut alors accusé de servir de couverture à ces mêmes Carbonari et fut interdit en 1822. Il est exact que des Carbonari appartenaient à « l’Ordre », et certains en ont été des dignitaires, du fait de la compatibilité avec l’esprit de liberté de la Maçonnerie et de la République. Il fallut attendre 1830 pour que Misraïm soit de nouveau autorisé, à une époque où se développa également le rite de Memphis, ramené quant à lui d’Égypte vers 1815.

 

Les deux rites vont vivre et parfois survivre plus ou moins en parallèle et après de multiples rivalités de personnes. Une alliance naîtra en 1880 entre les Souverains Sanctuaires de Memphis des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de Roumanie et le Souverain Sanctuaire Misraïm de Naples. C’est à cette occasion que Joseph Garibaldi en deviendra le premier Grand hiérophante [2], peu de temps en réalité puisqu’il s’éteint en 1882. Cette nomination fut « symbolique » à la fois du fait de sa brièveté et de l’impressionnante réputation mondiale de Garibaldi.

 

Joseph Garibaldi fut ce pont entre deux nationalités, deux continents, deux traditions ésotériques, et il porta haut les valeurs de la république universelle, l’union complète des nations libres basée sur un pacte social interdisant la guerre.

 

Le 9 septembre 1867, pendant le Congrès de la paix tenu au Palais Électoral de Genève, Garibaldi prononça un long discours nourri d’un idéal de fraternité universelle, proposant à l’assemblée une série de résolutions qui rappellent les principes fondant aujourd’hui les Nations Unies. Le Général avait dit :  

 

« (…) je ne peux pas approuver cette prudence un peu timide et un peu égoïste qui ne veut rien risquer pour soulager les misères d’autrui. Si l’un de mes fils me demandait, en voyant un homme se noyer dans le lac, s’il fallait le sauver, je dirais : quand on voit son allié en danger, il faut le secourir. Ainsi, je ne suis pas de l’opinion de ceux qui disent : chaque pays a le gouvernement qu’il mérite. Nous ne voulons pas abattre la monarchie pour fonder des républiques, mais nous voulons détruire le despotisme pour y fonder la liberté et le droit. Le despotisme est mensonge, et le mensonge doit être détesté par tout le monde, même par ceux qu’il ne frappe pas directement, dans leurs existences et dans leurs intérêts. Le seul remède contre le despotisme est la fraternité universelle des populations libres ». 

 

Garibaldi eut la témérité du marin parcourant les pays et les continents ; il eut le sens du grandiose et de l’honneur dans ses épopées militaires ; la ruse d’Ulysse pourrait-on dire en se sortant moulte fois de situations comme quand il fut prisonnier de pirates ; il eut une capacité à s’extraire de carcans [3]. Imaginons les « Chemises rouges » brandissant le drapeau noir orné d’un volcan en éruption... Ces flammes, ce rouge d’un sang qui fait palpiter son cœur ardent, sont l’expression d’un Moi fort, combattant au service d’un idéal, s’embrasant pour la lutte contre l’oppression des peuples. Garibaldi surmonta les peurs dans son ivresse de liberté. L’éveil spirituel de l’homme a ses modalités, ses courants : purification et ennoblissement de l’âme au sein des Mystères grecs ; courant de guérison, de réparation en provenance de l’Ouest ; courant alchimique de réalisation « d’un corps de Gloire » de l’Égypte antique, menant jusqu’aux Rose-Croix et aux Francs-maçons, eux-mêmes héritiers de ceux qui bâtirent des écrins pour l’esprit. L’éveil du Je, des forces de courage, de générosité, est une voie spirituelle propre qui se conjugue aux autres courants. Aucun des grands initiés n’a jamais manqué de vaillance dans l’action, de sens du don de soi et du sacrifice. Ce chemin conduit à la liberté, à la bonté, à la fraternité. Garibaldi emprunta ce chemin, navigua sur ces courants de l’espérance d’une humanité libre et en paix.


 

[1] Le comte de Saint-Simon (1760-1825), est un philosophe, économiste, militaire et philanthrope français, fondateur du saint-simonisme. Il influença les philosophes du XIXe siècle par son analyse de la société industrielle française, en plein essor à la fin du siècle des Lumières.

 

[2] Garibaldi était ami avec le Franc-maçon anglais John Yarker, celui qui réunit les deux rites de façon plus effective encore en 1889, et que Rudolf Steiner définissait comme un « excellent Maçon ». Yarker transmit en 1877 les plus hauts grades de la Maçonnerie, dite d’adoption, de Memphis-Misraïm à Helena Petrovna Blavatsky, la fondatrice de la Société Théosophique en 1875 avec le Colonel Olcott. Yarker fit lui-même partie du mouvement dès son origine. Il est surprenant d’observer ces liens « karmiques » entre Garibaldi, Yarker et Blavatsky, car cette dernière, sans doute initiée au carbonarisme par Mazzini, prétendit avoir combattu comme volontaire en 1865, aux côtés de Garibaldi à la bataille de Mentana (1867) – où elle fut gravement blessée – bataille qui opposait à Rome les « Chemises rouges » aux troupes pontificales et françaises.

 

[2]Alors que Garibaldi approchait avec son navire d’une côte en Amérique latine, il observa avec sa longue-vue et vit une femme au loin qui lui plut immédiatement. Accostant en ce lieu même dans le désir de la retrouver, elle avait certes disparu mais il rencontra un homme qui l’invita à dîner. Cet homme se révéla être le père de la jeune et charmante femme, Anita lui fut présentée et il lui déclara donc sa flamme, par le cœur car il parlait l’italien et elle le portugais... Anita devint ainsi sa femme. Ce mariage fut loin des scenarios classiques et bourgeois. Garibaldi semblait comme peu « ancré » dans les modalités de son temps.